Pour convaincre les autres de donner le meilleur d’eux-mêmes, un vrai leader doit d’abord développer l’estime de soi. C’est la clé de la méthode du psychologue américain Will Schultz.

Le jeune général Bonaparte entraînant ses troupes sous la mitraille au pont d’Arcole : quel exemple plus célèbre de leadership ? On connaît l’anecdote : le feu ennemi terrorise les grenadiers chargés de s’emparer du pont d’Arcole, noeud des communications autrichiennes dans le nord de l’Italie. Bonaparte empoigne alors un drapeau et s’avance seul. Son audace surprend tellement l’adversaire qu’il commence à reculer. Quant aux soldats, galvanisés par son exemple, ils repartent à l’attaque et enlèvent le pont sans coup férir !

 

Même sans faire preuve de la témérité de Napoléon, vous pouvez devenir, vous aussi un leader. A condition de posséder ou de développer les qualités qui font les vrais chefs : l’aptitude à susciter l’adhésion et à entraîner les gens là où ils n’avaient pas forcément envie d’aller. Le meneur d’hommes sait faire évoluer ses collaborateurs sans redouter leur concurrence et est capable de diriger une équipe sans abuser de son autorité. Des qualités qui ne reposent pas sur le savoir-faire mais sur le savoir-être. Or cette disposition ne s’acquiert pas comme n’importe quelle « compétence » professionnelle.

 

Pour Will Schultz, psychologue américain et professeur à l’université de Harvard, le leadership repose sur la capacité du chef à bien se connaître et à convaincre les autres. Une théorie qu’il a développé dans « L’Elément Humain » (InterEditions), un ouvrage traduit en quatorze langues et publié en France en 2006. Son sous-titre est particulièrement explicite : « Comprendre le lien entre estime de soi, confiance et performance ». Selon Will Schultz, il n’existe pas un type de leader mais plusieurs formes de leadership, qui s’exprimeront différemment en fonction du degré d’ouverture à votre entourage. « Cette approche de développement personnel — à partir d’autodiagnostics, d’exercices de visualisation et de mises en situation — va plus loin que d’autres théories », estime Alain Deluc, manager à la Cegos et auteur de la préface du livre de Schultz. Etape par étape, voici comment procéder si vous souhaitez révéler le leader qui sommeille en vous. D’après lui, 80% des problèmes rencontrés en entreprise sont liés à la dissimulation ou au mensonge. Cette recherhce de « vérité » doit ensuite s’appliquer non plus à soi mais aux autres. En étant plus à l’écoute, vous faciliterez les échanges avec vos collaborateurs. Ils se dévoilent davantage, ce qui favorisera les idées et la créativité. Vous aussi, exprimez davantage vos opinions, vos idées et vos émotions.


1. Valorisez vos forces, découvrez vos faiblesse

Avez-vous le contact facile ou attendez-vous plutôt que les autres viennent à vous ? De quelle manière déléguez-vous ? Par le biais d’une batterie de questions renvoyant à des situations concrètes, Will Schultz propos à chacun d’identifier ses points forts et ses points faibles. Originalité et intérêt de sa méthode : le diagnostic s’effectue en intéraction avec l’entourage. Ce feedback est essentiel pour savoir quelle image vous renvoyez et sur quelle base vous pourrez développer votre leadership. Certains se découvrent ainsi des capacités qu’ils ne supçonnaient pas, quand d’autres prennent conscience qu’ils ne les exploitent pas suffisament. A l’image de Jacques-Olivier Simoneau, alors directeur de l’ingénierie dans un entreprise de traitement des eaux : « Je m’étais toujours retranché derrière mes compétences techniques et mon expertise, car cela me rassurait. Mais c’était épuisant ! J’avais l’impression d’écraser une mouche avec un marteau : je dépensais une énergie folle pour résoudre des problèmes minimes. » Jusqu’au jour où les participants d’une formation, qui ne le connaissaient pourtant que depuis deux heures, l’ont convaincu que son ouverture et son empathie lui conféraient un leadership naturel. « J’étais conscient de ces dimensions de ma personnalité, mais je ne les avais encore jamais exploitées car elles me semblaient superflues. A partir de ce jour-là, j’ai repositionné mon leadership sur ces valeurs. »


2. Affirmez votre confiance en vous

Après avoir pris conscience de ses forces et de ses faiblesses, on peut s’affirmer davantage et acquérir une meilleure estime de soi. Cette deuxième étape est incontournable si vous voulez exprimer pleinement votre leadership. « Un meneur doit avoir confiance en lui, car il peut être amené, en prenant certaine décisions, à s’opposer aux autres. Il ne faut pas qu’il donne l’impression de vaciller, d’hésiter, sinon il n’emportera jamais l’adhésion », souligne Ricardo Croati, coach et consultant chez France Training. Vous devez donc avoir conscience de ce que vous êtes du rôle que vous assumez. Sans vous hisser sur un piedestal, mais sans vous dévaloriser non plus, avec un maximum de lucidité.
Pour Christian Tremouilles, directeur de projets logistiques dans la grande distribution, la méthode Schutz a changé la perception qu’il avait de lui-même et sa façon de manager. Son comportement vis-à-vis de sa direction a également gagné en assurance : « Auparavant, lorsque je présentais un dossier devant mon conseil d’administration, je terminais toujours par une question. Aujourd’hui, je conclus par une affirmation ». A chacun ses astuces pour développer cette estime de soi, à l’image d’Alain Kostine, chef du service médical à la CPAM (assurance-maladie) des Landes : « Avant ma prise de fonction, j’étais effacé et mes projets avançaient difficilement. Désormais, je m’affirme avec plus d’aisance en repensant à des moments de ma vie où j’ai passé victorieusement un cap -lorsque j’ai soutenu ma thèse ou quand j’ai ouvert mon cabinet. »

 


3. Améliorez vos relations avec les autres

En situation d’inconfort, le premier réflexe consiste à mettre au point des mécanisme d’autodéfense. Or cette cuirasse détériore les relations humaines. « De crainte d’être déstabilisé ou de dévoiler ma méconnaissance de certains sujets, j’avais tendance, en réunion, à monopoliser la parole sans laisser les autres parler », reconnaît Christian Tremouilles. Ne pas être à la hauteur, se décrédibiliser… La peur n’épargne pas les leaders. Pourtant, il est impératif de surmonter ses rigidités personnelles lorsqu’on veut exprimer pleinement son leadership. Pour cela, il faut d’abord identifier ses manques. De nombreux managers éprouvent, par exemple, des difficultés à avouer leurs lacunes dans certains domaines. Mieux vaut au contraire les reconnaître ouvertement pour être en mesure de s’entourer des experts dont on a besoin. Une perspective que Jacques-Olivier Simonneau avait du mal à imaginer, il y a encore quelques mois. Il a réussi à dépasser ce blocage : « Depuis que j’ose dire que je ne sais pas et que je demande des conseils, mes collaborateurs se sentent plus à l’aise et décomplexés. Eux-mêmes acceptent aussi volontiers leurs limites sur certaines questions. » Autre avantage : en sollicitant davantage vos équipes, vous les valorisez et vous confirmez l’importance de leur mission.


4. Entretenez des rapports authentiques et ouverts

Une fois ses peurs identifiées et maitrisées, il est plus aisé de s’ouvrir aux autres et d’entretenir des rapports authentiques et sincères. Ainsi, Will Schutz considère le « parler vrai » comme la clé de voûte du leadership, un élément indispensable pour instaurer une relation de confiance. D’après lui, 80% des problèmes rencontrés en entreprise sont liés à la dissimulation ou au mensonge. Cette recherche de « vérité » doit ensuite s’appliquer non plus à soi mais aux autres. En étant plus à l’écoute, vous faciliterez les échanges avec vos collaborateurs. Ils se dévoileront davantage ce qui favorisera les idées et la créativité. Vous aussi, exprimez davantage vos opinions, vos idées et vos émotions. « J’avais tendance à dissimuler ce que je ressentais, comme mes craintes sur un projet ou sur le respect des délais », reconnaît Karine, 34 ans, chef de projet dans l’industrie pharmaceutique. « L’important est de n’avoir peur ni de ses émotions, ni de celles des autres », ajoute la coach Maryvonne Piétri. Cet échange systématique, Luis Morgadinho, alors responsable de la direction automobile d’une filiale de PSA, en a même fait un principe de management : « Les entretiens annuels n’étaient plus seulement ceux des salariés, mais aussi les miens. J’acceptais de dévoiler mes faiblesses, je leur permettais de m’évaluer et de me dire comment je pouvais m’améliorer ». Si vous adoptez cette attitude, vos collaborateurs seront plus disposés à entendre vos critiques.


5. Donnez les moyens à vos équipes d’offrir le meilleur

L’objectif n’est pas seulement de gérer au mieux votre équipe : il faut également la rendre la plus performante possible. « Il s’agit d’aider le groupe à atteindre ses objectifs et de permettre à chacun, individuellement, de donner le meilleur », souligne Fanny Peyrard, psychothérapeute et formatrice en développement personnel. Dans les formations au leadership qui s’inspirent des idées de Will Schultz, chaque participant est ainsi mis tour à tour dans une situation de commandement : il doit organiser un projet avec le groupe en optimisant les aptitudes de chacun. Après cette expérience, Luis Morgadinho a revu complètement son organisation : « J’ai divisé mon équipe de 36 personnes en groupe de 6 afin que le rôle de chacun soit plus clair et plus valorisé. Chaque groupe pouvait se réunir pour prendre des décisions, même si je les validais au final. J’ai appris à lacher du lest et… un peu de pouvoir ». Accorder davantage de responsabilités, permettre à chacun de trouver sa place et de progresser, c’est la transformations qu’à opérer Jacques-Olivier Simonneau, avec son équipe de 150 ingénieurs : « Avant, j’agissais plutôt seul. J’ai appris à impliquer davantage mes collaborateurs, ce qui les a d’autant plus motivés et rendus productifs ». L’impact a été positif dans le service, et même au-delà : les ingénieurs sont mieux considérés dans toute l’entreprise.


6. Devenez acteur de vos choix et de votre vie

Choisir en toute conscience est une composante essentielle de la méthode Schultz. Dans la plupart des formations au leadership, on demande à chacun d’exprimer ses préférences. Avec qui veut-on travailler ? Souhaite-t-on participer à tel exercice ? A-t-on constitué son groupe soi-même ou a-t-il été imposé ? « J’ai réalisé que je ne décidais pas vraiment de ma vie, admet Karine. Qu’il s’agisse de mes projets professionnels ou personnels, je me demande désormais s’il s’agit réellement de ma propre envie ». Être acteur de sa vie, c’est assumer une opinion, mais aussi réprimander un membre de son équipe sans craindre sa colère, ou encore oser changer de vie… Luis Morgadinho a ainsi quitté son poste pour suivre une certification à la méthode Schultz à San Francisco et devenir coach-formateur. « Plus on est responsable de son existence, plus on est déterminé et plus le leadership se développe », résume Alain Duluc, de la Cegos. A conditions d’être patient. « Les effets de la méthode Schultz se manifestent parfois plusieurs mois après le stage, à l’occasion d’un problème », conclut la formatrice Fanny Peyrard.

 

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